Si j'écris et envoie ce texte, c'est pour faire
partager un besoin de purification qu'il est difficile d'assumer en solitaire.
Je vivais à l'écart des grandes questions qui
agitent notre société. Avec placidité, je me croyais inoffensif, acceptant mon
hétérosexualité comme un mal sans grande conséquence. Je viens de découvrir, grâce aux Inrock, toute ma nocivité
et j'éprouve un grand besoin de confesser toutes mes turpitudes. Comment
avais-je pu aussi longtemps ignorer que mes pratiques sexuelles étaient un régime politique ?
J'avais,
pendant toutes ces années, considéré qu'une certaine presse, de Libé aux
Inrocks était animée par un simple besoin de provocation, typique des bobos du
Faubourg Saint Germain. Je tiens à m'excuser à plat ventre de ce mépris
intellectuel petit bourgeois. La chose serait restée sans conséquence si
j'étais seul en cause. Mais je viens de découvrir que je participais inconsciemment
à une entreprise d'oppression. En effet, l'hétérosexualité « est au
fondement de la structuration de la binarité des genres et des sexes, de la
création des classes mêmes d'hommes et de femmes qu'elle pose en miroir ».
Même si je n'ai rien compris, je ressens l'horreur de ma position.
La
chose est d'autant plus grave que, parait-il, « sortir de
l'hétérosexualité est un projet féministe ». En somme,
l'hétérosexualité est une construction masculine. Si des femmes s'y vautrent,
ce ne peut être que par soumission. « Il n'y a pas d'un côté des femmes
libérées qui flottent dans un hyperespace lesbien autonome - puisque les
lesbiennes aussi doivent gérer l'hétérosexualité tous les jours au travail ou
les transports - et de l'autre des femmes complètement aliénées dans le couple
hétéro ». Bigre !
Bien
pis, je découvre qu'en tant qu'hétéro, je participe à l'oppression des non
blanches car « l'hétérosexualité a avant tout une utilité économique,
alors elle va forcément s'insérer dans l'économie capitaliste qui est une
économie racialisée et coloniale... la construction de l'hétérosexualité comme
mode d'organisation de la vie désirable est infusée par la blanchité ».
Jusque-là, devant ce type de phrase, j'avais l'impression qu'on avait quelques
mots clefs (racialisé, blanchité, colonial,..) et qu'on les tirait au sort pour
en faire des phrases. J'avais tort et je tiens, là aussi, à le confesser.
Je
vivais sur l'idée perverse qu'ayant construit mon activité publique par la
lutte contre les guerres coloniales et contre les discriminations, j'étais dans
le bon camp. Je découvre que ce n'était qu'une manière d'assoir un pouvoir
d'autant plus pervers que je l'ignorais. Je découvre que la clef de voute est
l'homme blanc hétérosexuel, que les autres (femmes, noirs, ... ) ne sont pas
dans ce champ, qu'ils ne peuvent ou ne veulent pas enfanter et que s'ils le
font, ou ne le font pas, c'est toujours du fait de mon oppression.
Certes,
je ressens encore tout cela comme un fatras plein de contradictions et d'idées
a priori. Je ne suis simplement pas encore libéré. Ce n'est donc que le début
de ma confession et je ne vous inflige pas la suite.
Mea culpa, ideo precor.........
Amitiés
André